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Nos calculs exclusifs montrent que la facture verte aggrave la fracture sociale. Une inégalité qui risque de freiner la conversion au mode de vie écolo.
L'Expansion a comparé les budgets de deux ménages qui ont décidé de vivre totalement en vert. Voici comment leurs dépenses se trouvent affectées.
  Ménage modeste
Revenu annuel perçu 29 571 euros
Ménage riche
Revenu annuel perçu 146 627 euros
Poste Budgétaire Part dans le budget avant le passage au vert  ... et après Perte de revenu Part dans le budget avant le passage au vert  ... et après Perte de revenu
Alimentation 24,8% 44,6% 19,8% 9,7% 17,4% 7,7%
Logements 31,4% 33,8% 2,4% 18,2% 20,1% 1,9%
Consommation énergie 3,7% 2,8% -1% 1,5% 1,1% -0,4%
Transport 15,1% 15,4% 0,3% 12% 12% 0,1%
Loisirs 4% 4,3% 0,1% 9% 9% 0,4%
Taxe carbone (solde après restitution) -0,1% -0,2% -0,1% 0,1% 0,04% 0,0%
Surcoût
de la vie en vert
    21,7%     9,7%


Ils appartiennent au club très sélect des "écobarons". Un titre nobiliaire vert réservé à une poignée de milliardaires américains amoureux de la nature. Pour protéger les espaces naturels de l'exploitation commerciale et de la pollution... ils les achètent. Tout simplement. Le plus célèbre de ces néo-aristocrates, Ted Turner, fondateur de CNN, s'est ainsi offert 8 000 kilomètres carrés de plaines dans l'ouest des Etats-Unis. Douglas Tompkins, le créateur de NorthFace, sanctuarise quant à lui des milliers d'hectares au sud du Chili pour la sauvegarde des cerfs.

Alors à quand des écobarons à la française ? Le richissime François Pinault pourrait privatiser les côtes de sa chère Bretagne pour en barrer l'accès aux bétonneurs. Et le roi du luxe Bernard Arnault, faire main basse sur une partie de la forêt corrézienne juste pour défendre les champignons. Caricatural, peut-être, mais pas anecdotique. Car, comme le révèlent les calculs exclusifs de L'Expansion, le passage à l'écologie risque de devenir un signe extérieur de richesse en France. Sur le seul plan des revenus, la vie en vert coûte déjà deux fois plus cher aux foyers modestes qu'aux ménages aisés. "Et l'Etat se charge d'aggraver encore les écarts avec une politique environnementale qui n'a pas du tout intégré la question sociale, au risque d'accentuer l'hostilité des plus modestes aux discours moralistes sur le climat, et donc de devenir inefficace", s'inquiète Pierre Radanne, fondateur de la société spécialisée en économie d'énergie Facteur 4.

Cas d'école de la contradiction "écologie versus équité sociale" : l'affaire de la taxe carbone. Même si le Conseil constitutionnel a sommé le gouvernement de revoir sa copie, la donne sera sans doute peu différente pour les ménages. Certes, le mode de vie des cadres sup est plus émetteur de gaz à effet de serre que celui des ouvriers. Mais, en proportion de leurs ressources, les classes populaires seront les plus touchées par la future taxation verte. Tout simplement parce que le poids du transport et du logement dans leur consommation totale est nettement plus lourd. Le gouvernement, qui a pourtant promis qu'il n'y aurait aucun laissé-pour-compte de la chasse au carbone, n'a pas prévu de revenir sur le mode de compensation. Le fameux chèque vert restera forfaitaire, indépendant du revenu, et fluctuant uniquement en fonction de la localisation géographique et de la composition du foyer.

Les mieux lotis seront sans conteste les ménages urbains de centre-ville sans voiture. Au contraire, les ruraux, éloignés de leur lieu de travail et sans transports en commun proches, seront clairement perdants. Philippe Martin, député du Gers, récemment nommé secrétaire général adjoint à l'environnement au Parti socialiste, a déjà fait le test : pour une bonne partie des foyers du département le plus rural de France - un des plus pauvres aussi -, le chèque vert ne compensera pas la taxe. Avec une consommation moyenne de 2 500 litres de fioul domestique par an et de 24 000 litres de gazole, une famille avec deux enfants habitant ce pays de cocagne devra débourser la première année 225 euros de taxe carbone pour une restitution de 142 euros. Compte tenu des prévisions d'augmentation des prix du CO2 de 6 % par an, l'addition deviendra vite indigeste.

Un autre impôt, tout aussi antisocial, devrait tomber sur la tête des Français dès 2014, selon le calendrier des accords du Grenelle de l'environnement : une taxe poubelle calculée en tout ou en partie sur les volumes ou sur le poids pour inciter à produire moins de déchets. Tout nouveau, tout propre. Mais terriblement injuste. En effet, les ménages paient aujourd'hui une taxe d'enlèvement des ordures assise sur la valeur du foncier. Plus le logement que l'on habite est cossu, plus on paie. Mais demain, avec l'impôt sur la taille des sacs-poubelle, les collectivités locales prélèveront en partie leur dîme sur les gros conteneurs et non plus sur les gros patrimoines. Depuis quelques années, une vingtaine de communautés de communes tentent l'expérience de cette "tarification incitative" et aligne un bilan social contrasté : "Pour une famille logée dans une maison modeste, il faut compter un surcoût de 25 à 50 %", calcule Alain Etourneaud, maire d'Empuré. Sa petite bourgade charentaise et tout le canton de Villefragnan viennent d'ailleurs de revenir à la bonne vieille taxe des ordures ménagères adossée à l'impôt foncier. Toujours à l'ouest, à quelques kilomètres d'Angers, Guy Boudand, directeur de la communauté de communes Loire et Sarthe, poursuit son expérience de taxe sur le volume des poubelles, mais admet bien volontiers qu'"un foyer modeste peut voir sa note augmenter de 30 %. La tarification tient compte de la taille de la famille, pas de ses revenus. Le bilan écologique, en revanche, reste très encourageant : grâce notamment au compostage, le tonnage d'ordure ménagère a baissé de 46 %."

lexpansion.fr

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