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« Le groupe doit servir le client au mieux sur tous les formats et tous les canaux »
Estimez-vous que votre chiffre d'affaires  du quatrième trimestre confirme l'amorce d'un redressment observé fin septembre?

L'activité au quatrième trimestre a été conforme à nos attentes, notamment en France. L'alimentaire a progressé. Le non-alimentaire est resté difficile, notamment l'électro-domestique. Le textile, en revanche, est en voie de redressement. Au total, nous sommes stables à magasins comparables et en progression tous magasins. A l'étranger, l'Italie a connu un ralentissement à partir de la fin août. L'Espagne est dans son budget. Au Brésil et en Argentine, nous connaissons des progressions plus fortes qu'auparavant. En Chine, après un ralentissement lié à l'attentisme dû à l'arrivée de la nouvelle équipe dirigeante, nous sentons une amélioration de la tendance. En résumé, nous sommes sur une trajectoire de progression dans tous nos formats, y compris les hypermarchés.

Ces performances balaient les rumeurs de « profit warning » de la semaine dernière ?

Absolument. Nous sommes confortables avec nos attentes de résultat.

En France, est-ce le résultat de votre travail sur les prix ?

La France est effectivement en train de réajuster son positionnement prix. Dans la distribution, le prix n'est plus un préalable, c'est un must. Il faut être dans le marché. Nous avons montré que nous n'étions plus des cibles. Les évolutions que nous observons sont d'abord le fruit de la remobilisation de nos collaborateurs et nous avons travaillé sur l'importance de la relation directe avec le client. Il ne faut pas se priver des capteurs locaux que sont les responsables de magasins et leurs équipes, qui doivent disposer des capacités d'adaptation à leur zone de chalandise et à leur concurrence. Quand il pleut, les directeurs de magasin n'ont pas besoin d'attendre l'autorisation de la centrale pour mettre en avant leurs lots de parapluies ! Il est nécessaire que les fonctions opérationnelles soient assurées par des gens de métier. Nous avons également voulu redonner à nos directeurs de magasin les moyens nécessaires à leurs prises de décision. Dans mon esprit, le siège est là pour faire partager la stratégie, valider les budgets, cibler les investissements et s'assurer au travers d'audits de la gestion des flux de marchandises et d'argent ainsi que l'utilisation des capitaux investis.

Depuis la dernière assemblée générale, votre diagnostic sur Carrefour a-t-il évolué ?

Je maintiens que Carrefour est une belle affaire, mais qui est allée avec un front trop large à l'international sans avoir les moyens de cette ambition. La conséquence en a été l'arrêt des investissements nécessaires à la modernisation de nos magasins, alors même que le groupe en avait d'autant plus besoin qu'il était devenu multiformat. Nous devons prendre soin de nos actifs, offrir un cadre agréable à nos clients. Cet effort est particulièrement nécessaire en France. Nous voulons redonner du lustre à la maison mère. D'une façon générale, nous avons encore beaucoup de possibilités pour améliorer nos actifs immobiliers. La règle saine est d'avoir des magasins, des galeries et des parkings qui soient cohérents dans leur proposition commerciale. La gestion des actifs immobiliers est aujourd'hui une question d'expertise, nous devons la professionnaliser.

Avez-vous les moyens d'investir à la fois dans la baisse des prix et la rénovation du parc ?

Nous avons récemment cédé la Colombie, la Malaisie et l'Indonésie, pour un montant total d'environ 2,8 milliards d'euros. Cela répond à trois objectifs : réduire notre taux d'endettement, réinvestir dans nos affaires et affronter la conjoncture.

Vous avez annoncé en août un plan de départs de 500 personnes au siège. Cela suffira-t-il ?

Il n'y aura pas d'autre plan, je ne le souhaite pas. Ce plan n'a d'ailleurs pas tant été lancé pour des raisons d'économies que pour simplifier les structures centrales. En réalité, Carrefour, qui a inventé l'hypermarché en 1963, connaît sa crise de la cinquantaine, la « middle age crisis ». On a accumulé un léger embonpoint, on se trouve cerné par de nouveaux concurrents plus jeunes Il y a un après la cinquantaine qui peut être plus serein, mais il faut changer son mode de pensée sans oublier ses racines. Carrefour est une société qui a été brillante dès ses débuts, mais qui a progressivement accumulé une lourdeur d'organisation, notamment après la fusion avec Promodès, qui était justifiée, mais qui ne s'est pas bien réalisée. Carrefour n'est d'ailleurs pas la seule société française dans ce cas. Regardez la plupart des champions nationaux nés dans les années 1960… On peut aussi se demander si ce n'est pas l'ensemble du pays qui est dans cette situation !

Comment abordez-vous 2013 ?

Nous abordons 2013 avec confiance, mais avec lucidité, dans la continuité des efforts entrepris. Nous entrons dans une seconde étape : repartir du client, associer nos magasins aux politiques d'achat, revenir à l'excellence opérationnelle qui a été oubliée au profit de solutions trop intellectuelles. Et je confirme ce que j'ai dit à mon arrivée : notre redressement ne sera pas achevé avant trois ans. Nous allons réaccélérer mais progressivement, pour ne pas épuiser un groupe qui est encore convalescent.

Quelles perspectives dressez-vous pour votre groupe à moyen terme ?

Carrefour est en train de retrouver ses gènes. Simultanément, il faut les adapter à la nouvelle donne, car, en dix ans, la distribution a changé : elle est devenue multiformat, le e-commerce s'est développé, les « drive », les nouveaux usages liés à la mobilité… Notre organisation doit servir le client au mieux, selon ses souhaits et sur tous les formats. Par exemple, nous commençons à nous développer dans des endroits de fort trafic : les gares, les aéroports, les grandes zones de loisirs… Nous ferons donc évoluer notre organisation pour qu'elle soit à la fois plus efficace dans ses fonctions supports (achats, logistique, informatique) et qu'elle réponde aux besoins spécifiques des différents canaux, chacun dans leur fonction : l'hyper c'est le généraliste à prix bas, le super c'est le format alimentaire de référence et la proximité c'est le service et la praticité. Nous allons renforcer nos équipes avec des experts des nouvelles technologies et du marketing client en ligne associés à une logistique dédiée. D'ailleurs, beaucoup s'accordent à penser que l'association des réseaux physiques de magasins au commerce en ligne va comporter beaucoup d'avantages.

Y aura-t-il d'autres cessions à l'international ?

Pas aujourd'hui. Partout où nous sommes, notre stratégie sera de consolider nos positions.

Quelle est votre analyse de la conjoncture en France et des premières mesures du gouvernement ?

La conjoncture en France est similaire à celle de beaucoup d'autres pays en Europe avec des prévisions de croissance qui restent faibles. Par ailleurs, une étude montre que, depuis dix ans, les distributeurs ont largement contribué au maintien du pouvoir d'achat, alors même que les industriels ont vu leur rentabilité augmenter de façon très significative.

A cela s'ajoute l'exposition de la distribution au commerce sans frontière avec Internet. Les 110.000 employés de Carrefour, l'un des tout premiers employeurs privés français, sont confrontés à la mondialisation. Le redressement productif passe aussi par les services.

Dans ce contexte, les mesures annoncées par le gouvernement vont dans le bon sens : le CICE (crédit d'impôt compétitivité emploi, NDLR) ainsi que les récents accords sur la sécurisation de l'emploi. C'est une bonne chose pour les entreprises et pour les salariés. 

 

sources:lesechos.fr

Tag(s) : #Carrefour
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